vendredi 28 février 2020

DE LA NON-BINARITÉ ? SELON RENÉE VIVIEN ?

Un quatrième poème...

PREMIÈRE NUIT

Je veux que tes yeux bruns, dont les prunelles d'or
Sont comme le reflet d'un lointain et beau rêve,
Ne regardent que moi, prisonnière du sort
Qui jadis nous unit pour nous aimer sans trêve.
Je veux que pour toujours tu ne penses qu'à moi,
Que tu songes toujours à nos chaudes ivresses
À nos divines nuits, à notre immense émoi 
Quand, un soir, sans témoin, le coeur plein d'allégresse
Nous nous sommes promis un amour éternel. 
Et, dans ce long baiser tu me dis, caressante :
"Je serai tout à toi, je cède à ton appel,
Je t'aime, mon amant, je brûle, frémissante."
Depuis ce doux moment, combien de jours ont fui !
Ils furent tous divins, et cette courte année,
Dont l'exquis souvenir, comme un rayon, a lui,
Éclairera sans fin ma sombre destinée.
Je veux que mon amour, ainsi qu'un bouclier,
S'abrite des chagrins dont âme si tendre
Vibre si vivement ; tu dois les oublier
Quand, ardente, ma chair sur ta chair vient s'étendre.

Paule RIVERSDALE,
Vers l'amour, poésies, 1903.



mardi 25 février 2020

FIDÈLE

Fidèle à votre souvenir,
À notre tendresse à venir,
Je ne veux croire votre absence...
Venez briser ce long silence,
J'aimerais vous entretenir...

Le Temps prétend nous désunir ?
Ah ! Puissiez-vous me soutenir...
Je vous suis de toute évidence,
Fidèle...

Je n'ai cessé d'entretenir
L'espoir de vous appartenir,
Depuis le jour de ma naissance...
Je vous dédie dans ma constance,
Ce rondeau, pour me définir :
Fidèle !

© 1992, 2018, Dominique THUSSIER.
L'AGONIE D'UN DÉSIR, poèmes.


Photo : D. Thussier.
L'esplanade de Vézelay.


samedi 22 février 2020

JE VOUDRAIS PLEURER...

J'aimerais verser des larmes
Près de ton Amour,
Loin de ma tristesse...
Le Jour n'est plus qu'un jour,
Et la Nuit ne ramène plus
Nos caresses, soeurs de la Mort...
Mon coeur bat chagrin
Ou bien sans penser -
Sans pleurer...
Quand je voudrais verser des larmes !
Embellies par la pudeur,
Magnifiées dans mes extases...
Ô Soeur unique...
La pluie pleure pour moi -
Quand mon coeur est à sec...
Mais la fièvre n'y est pas.

SPONTANÉITÉS, paroles d'âme.
© 1992, 2019, Dominique THUSSIER.


Photo : Wikimedia.
Alphonse Osbert, Le calme d'eau.


jeudi 20 février 2020

DE LA NON-BINARITÉ SELON RENÉE VIVIEN ?

Une nouvelle...

Le Prince Charmant

Conté par Gesa Karoly

Je vous ai promis, ô petite curieuse, de vous conter l'histoire véritable de Saroltâ Andrassy. Vous l'avez connue, n'est-ce pas ? Vous vous souvenez de ses cheveux noirs, aux reflets bleus et roux, et de ses yeux d'amoureuse, suppliants et mélancoliques.
Saroltâ Andrassy vivait à la campagne avec sa vieille mère. Elles avaient pour voisins les Szécheny, qui venaient de quitter définitivement Buda-Pesth. Une bizarre famille, en vérité ! On aurait pu prendre Bêla Szécheny pour une petite fille, et sa sœur Terka pour un jeune garçon. Chose curieuse, Bêla possédait toutes les vertus féminines et Terka tous les défauts masculins. Les cheveux de Bêla étaient d’un blond vert, ceux de Terka, plus vivants, d’un blond rose. Le frère et la sœur se ressemblaient étrangement, — cela est très rare entre gens de la même famille, quoi qu'on en dise.
La mère de Bêla ne se résignait pas encore à couper les belles boucles blondes du petit garçon et à échanger ses gracieuses jupes de mousseline ou de velours contre une vulgaire culotte. Elle le choyait comme une fillette. Quant à Terka, elle poussait à sa guise, pareille à une herbe sauvage… Elle vivait au grand air, grimpant sur les arbres, maraudant, pillant les jardins potagers, insupportable et en guerre avec tout le monde. C’était une enfant sans tendresse et sans expansion. Bêla, au contraire, était la douceur même. Son adoration pour sa mère se manifestait par des câlineries et des caresses incessantes. Terka n'aimait personne et personne ne l'aimait.
Saroltâ vint un jour chez les Szécheny. Ses yeux d'amoureuse imploraient, dans son mince visage pâle. Béla lui plut beaucoup et ils jouèrent longtemps ensemble. Terka rôdait autour d’eux, d’un air farouche. Lorsque Saroltâ lui adressa la parole, elle s'enfuit.
Elle aurait été jolie, cette incompréhensible Terka… Mais elle était trop longue pour son âge, trop maigre, trop gauche, trop dégingandée. Tandis que Béla était si mignon et si doux !…
Les Szécheny quittèrent la Hongrie quelques mois plus tard. Saroltâ pleura amèrement son compagnon de jeux. Sur l’avis du médecin, sa mère l’avait emmené à Nice, ainsi que sa récalcitrante petite sœur. Béla avait la poitrine délicate à l'excès. Il était, d'ailleurs, peu robuste.
À travers ses rêves, Saroltâ évoquait toujours l'enfant trop frêle et trop joli dont le souvenir persistait en elle. Et elle se disait, en souriant à l'image blonde :
« Si je dois me marier plus tard, je voudrais épouser Béla. »
Plusieurs années se passèrent, — oh ! combien lentement pour l’impatiente Saroltâ ! Béla devait avoir atteint vingt ans, et Terka dix-sept. Ils étaient toujours sur la Riviera. Et Saroltâ se désolait de ces années sans joie, éclairées seulement par l'illusion d’un songe.
Elle rêvait à sa fenêtre, par un soir violet, lorsque sa mère vint lui dire que Béla était revenu…
Le cœur de Saroltâ chantait à se briser. Et, le lendemain, Béla vint vers elle.
Il était le même, et pourtant bien plus charmant qu'autrefois. Saroltâ fut heureuse qu’il eût gardé cet air efféminé et doux qui lui avait tant plu. C’était toujours l'enfant fragile… Mais cet enfant possédait aujourd'hui une grâce inexprimable. Saroltâ chercha en vain la cause de cette transformation qui le rendait si attirant. Sa voix était musicale et lointaine, ainsi qu'un écho des montagnes. Elle admira tout de lui, jusqu'à son complet anglais, d'un gris de pierres, et jusqu'à sa cravate mauve.
Béla contemplait la jeune fille de ses yeux changés, de ses yeux étrangement beaux, de ses yeux qui ne ressemblaient pas aux yeux des autres hommes…
« Qu'il est donc mince ! » observa la mère de Saroltâ, après son départ. « Il doit être encore d'une santé bien délicate, ce pauvre petit. »
Saroltâ ne répondit point. Elle ferma les yeux afin de revoir Béla sous ses paupières closes… Comme il était joli, joli, joli !…
Il revint le lendemain, et tous les jours. C'était le Prince Charmant qui ne se révèle qu'à travers les pages enfantines des contes de fées. Elle ne pouvait le regarder en face sans défaillir ardemment, languissamment… Son visage variait selon l'expression du visage désiré. Son cœur battait selon le rythme de cet autre cœur. L'inconsciente et puérile tendresse était devenue de l'amour.
Béla pâlissait dès qu'elle entrait, diaphane en sa blanche robe d'été. Il la regardait parfois, sans parler, comme quelqu'un qui se recueille devant une Statue sans défaut. Parfois il lui prenait la main… Elle croyait toucher une main de malade, tant la paume en était brûlante et sèche. Un peu de fièvre montait alors jusqu'aux pommettes de Béla.
Elle lui demanda un jour des nouvelles de Terka l'indisciplinée.
« Elle est toujours à Nice, » répondit-il négligemment. Et l’on parla d'autre chose. Saroltâ comprit que Béla n'aimait point sa sœur. Ce n'était pas étonnant, au surplus. Une enfant si taciturne et si farouche !
Ce qui devait arriver arriva. Béla la demanda en mariage quelques mois plus tard. Il entrait dans sa vingt et unième année. La mère de Saroltâ ne s'opposa point à l’union.
Ce furent d'irréelles fiançailles, délicates à l'égal des roses blanches que Béla apportait chaque jour. Ce furent des aveux plus fervents que des poèmes, et des frissons d'âme sur les lèvres. Au profond des silences, passait le rêve nuptial.
« Pourquoi, » disait Saroltâ à son fiancé, « es-tu plus digne d’être aimé que les autres jeunes hommes ? Pourquoi as-tu des douceurs qu'ils ignorent ? Où donc as-tu appris les paroles divines qu'ils ne prononcent jamais ? »
La cérémonie eut lieu dans une intimité absolue. Les cierges avivaient les lueurs roses de la blonde chevelure de Béla. L'encens fumait vers lui, et le tonnerre des orgues l'exaltait et le glorifiait. Pour la première fois, depuis le commencement du monde, l'Époux fut aussi beau que l'Épouse.
Ils partirent vers les rives bleues où s'exaspère le désir des amants. On les vit, Couple Divin, les cils de l'un frôlant les paupières de l'autre. On les vit, amoureusement et chastement enlacés, les cheveux noirs de l’Amante répandus sur les blonds cheveux de l'Amant…
Mais voici, ô petite curieuse ! où l'histoire devient un peu difficile a raconter… Quelques mois plus tard, le véritable Béla Szécheny apparut… Ce n'était pas le Prince Charmant. Hélas ! Ce n'était qu'un joli garçon, sans plus.
Il rechercha furieusement la personnalité du jeune usurpateur… Et il apprit que l'usurpateur en question était sa sœur Terka.
… Saroltâ et le Prince Charmant ne sont plus revenus en Hongrie. Ils se cachent au fond d’un palais vénitien ou d'une maison florentine. Et parfois on les rencontre, tels qu’une vision de tendresse idéale, amoureusement et chastement enlacés.

Renée VIVIEN,
La Dame à la Louve, nouvelles, 1904.



DE LA NON-BINARITÉ ? SELON RENÉE VIVIEN ?

Un troisième poème...

JE FUS UN PAGE ÉPRIS

C’est l'heure où le désir implore et persuade…
Le monde est amoureux comme une sérénade,
Et l'air nocturne a des langueurs de sérénade.

Les ouvriers du soir, tes magiques amis,
Ont tissé d'or léger ta robe de samis
Et semé d'iris bleus la trame du samis.

Il me semble que nous venons l'une vers l’autre
Du fond d’un autrefois inconnu qui fut nôtre,
D'un pompeux et tragique autrefois qui fut nôtre.

Sur mes lèvres persiste un souvenir charmant.
Qui peut savoir ? Je fus peut-être ton amant…
Ô ma Splendeur ! Je fus naguère ton amant…

Une ombre de chagrin un peu cruel s'obstine,
Amenuisant encor ta bouche florentine…
Ah ! ton sourire aigu de Dame florentine !

Mon souvenir est plus tenace qu’un espoir…
L'âme d’un page épris revit en moi ce soir,
D'un page qui chantait sous ton balcon, le soir…

Renée VIVIEN,
À l'heure des mains jointes, 1906.

mardi 18 février 2020

LA SPLENDEUR D'UNE ÉTRANGE NUIT

Des gouttes d'or tombent des Cieux,
Un vent charmant trouble mon âme,
La Lune tremblante s'enflamme...
Que mon désir me paraît vieux !

Et la Mer s'étend, ténébreuse...
Elle frémit, elle s'endort...
La pluie m'attriste sans remords :
Je suis l'Éternelle Amoureuse.

De nombreux nuages en deuil
Passent devant la rousse Lune.
J'aborde la Nuit opportune,
Et m'apprête à franchir un seuil...

D'une blanche demeure antique -
Sans doute un temple abandonné,
Une voix douce a ordonné :
" Pénètre en ce haut lieu mystique..."

J'avance d'un pas hésitant -
Car la Nuit se fait implacable...
Un morne silence m'accable...
Et je sens s'attarder l'Instant.

Une clarté inespérée
Surgit... Miracle de l'Obscur !
Je vois mon image au futur,
Cette Femme tant désirée...

Un cierge brûle avec ardeur -
Crépitante, sa flamme danse...
Et mon coeur s'émeut en cadence...
Ô Rêve divin, ô Splendeur !

© 1992, 2018, Dominique THUSSIER.
L'AGONIE D'UN DÉSIR, poèmes.


Photo : Wikimedia.
Edward Burne-Jones, Night, 1870.





lundi 17 février 2020

FATIDIQUE NOVEMBRE, nouvelle

Dominique THUSSIER, Fatidique novembre, nouvelle, 2019.


(Extrait)

...il dut se résoudre à conclure d'un haussement d'épaules, l'invitation inopinée que venait de lui adresser la vie, et par surcroît d'incohérence, en cette période où tous les coeurs solitaires - semblables à ce banc sur lequel il en était venu à se laisser choir d'un mouvement machinal, désespéré, et comme si ce dernier se fût symboliquement proposé en lit précaire, improvisé tout spécialement pour un subit accès d'austère douleur - devraient se réjouir à l'approche de la saison morte, car, profitant du deuil que revêt la Nature entière, lorsqu'elle se dépouille avec un noble détachement de tous ses innombrables attraits - devenus par trop
cruels pour qui ne peut plus en jouir -, ils pourraient tâcher d'ensevelir en toute sérénité, leurs restes de désirs, les cadavres de leurs illusions - le peu de vigueur qui les anime encore se trouvant
ainsi, paradoxalement employé à mettre un terme à leur obstination existentielle : confectionner des linceuls, creuser des fosses, ériger des sépultures, voire même, composer quelques épitaphes... Mais si l'on réfléchit bien... À quoi bon tout cela ? Puisque tout survit, rien ne s'éteint des sentiments les plus ardents... Qu'il s'agisse de la Haine, comme de l'Amour...

FATIDIQUE NOVEMBRE, nouvelles.
© 1992, 2019, Dominique THUSSIER.



CE QUE LA NON-BINARITÉ DE GENRE N'EST PAS

Depuis quelques temps la non-binarité et la fluidité de genre sont devenues des thèmes de plus en plus relayés par les réseaux sociaux, d'une manière plus ou moins heureuse... lequels mériteraient quelques éclaircissements. 
Voici quelques points sur lesquels il faut déjà s'entendre :
• La non-binarité de genre - le fait de se sentir homme et femme, ou tantôt l'un tantôt l'autre (nous touchons alors à la fluidité de genre) voire ni l'un ni l'autre (on emploie alors le terme agenre) est avant tout un état d'être, un ressenti qui est propre à chacun et qui vient de l'intérieur, du plus profond de soi. Ainsi, de prime abord, c'est donc "quelque chose" qui ne se voit pas forcément (je n'aborderai pas le cas des personnes intersexes, qui est un tout autre domaine - lequel ne concerne pas seulement l'ambivalence de la psyché, mais également les organes génitaux).
▪La non-binarité de genre n'a rien à voir non plus avec la bisexualité qui est l'attrait d'une personne cisgenre pour les individus des deux sexes. Étant donné qu'une personne non-binaire - pour donner l'exemple le plus simpliste !!! - pourra par son côté homme être attirée par les personnes de sexe féminin, et par son côté femme par celles de sexe masculin. Tandis que pour une autre, ses deux genres pourront être attirés par les personnes de sexe féminin, ou, au contraire, masculin, etc... Il y a tant d'identités non-binaires possible ! En fait, chaque cas est particulier, et dirai-je même unique !
Toutefois, il nous faut convenir en toute impartialité que le mouvement actuel - dirons-nous la tendance ? extravertie qui prône la mise en évidence outrée d'une appartenance aux deux genres, voire plus... (se conférer au lexique LGBTQ+ !)  - peut apparaître aux regards des profanes... pour le moins déconcertante, et peut-être, parfois même, inquiétante ! Il s'agit seulement en fait d'une forme de tentative d'affirmation de soi par l'exubérance... Ce qui, il est vrai, peut en l'occurrence, finir par desservir la cause... Et bien qu'il soit bon de rappeler toutefois que la provocation et l'extravagance n'ont jamais été des tendances propres aux personnes transgenres... mais bien plutôt à tous les individus appartenant au genre humain !
(À suivre)


Photo : Wikimedia.
Agnolo Bronzino, Portrait of a Young Man.

mercredi 12 février 2020

LA PAGE BLANCHE

Ma plume tremble et se maintient
Au-dessus de la page blanche...
Je succombe sous l'avalanche
Des mots que mon esprit retient...

Quand soudain, mon âme s'élance
Vers l'Éther pâle ou ténébreux,
Clamant son désir amoureux
En des paroles de silence !

L'AGONIE D'UN DÉSIR, poèmes.
© 2018, Dominique THUSSIER.


Photo : Wikipedia.
Kasimir Malevitch, Carré blanc sur fond blanc, 1918.






mercredi 5 février 2020

DÉPRESSIF PRÉSENT

Autour de moi
Ces objets sont
Comme je suis :
Vides de vie...
Latente intelligence,
Timorée, montre-toi !
Le monde bruit,
Le jour me voit,
En j'en oublie mon sens...
Le soir me vêt d'un flou silence...
Mais la couleur d'un mot,
Mais le parfum d'un vers...
Oui ! Et ces mondes nés de l'encre !
Écriture,
Manifeste-moi dans ton geste.

SPONTANÉITÉS, paroles d'âme.
© 1992, 2019, Dominique THUSSIER.


Photo : Wikimedia.
Gabriel Metsu, Jeune homme écrivant une lettre.

LA FEMME TRISTE

Dans sa mélancolie digne, de solitaire,
Par la fenêtre ouverte elle scrute un lointain
Avenir... Mais ce mot sonne faux et l'atterre...
Elle courbe le dos, fixe ses yeux à terre :
Le parfum de la Mort plane encore incertain...

Le gris baigne ses jours d'une chaste lumière,
Pour apaiser son âme ou bercer sa douleur...
Mais le Désir, parfois, de sa voix coutumière,
Vient se meurtrir au soir tombant sur la chaumière,
Et dans un lourd secret, libère sa chaleur...

© 1992, 2018, Dominique THUSSIER.
L'AGONIE D'UN DÉSIR, poèmes.


Photo : Wikimedia.
Carl Holsoe, Waiting by the window.


ATTHIS

Je t'aimais, Atthis, autrefois...
PSAPPHA.

Je reviens chercher l'illusion des choses
D'autrefois, afin de gémir en secret
Et d'ensevelir notre amour sous les roses
Blanches du regret.

Car je me souviens des divines attentes,
De l'ombre et des soirs fébriles de jadis...
Parmi les soupirs et les larmes ardentes,
Je t'aimais, Atthis !

J'aimais tes cheveux tramés de clairs de lune,
Ton corps ondoyant qui se dérobe et fuit,
Tes yeux que l'éclat de l'aurore importune,
Bleus comme la nuit.

J'aimais le baiser de tes lèvres amères,
J'aimais ton baiser aux merveilleux poisons,
Jadis ! Et j'aimais tes injustes colères
Et tes trahisons...

Atthis, aujourd'hui tu pâlis, et je passe
Tel un exilé sans désir de retour,
Toi, moins souriante, et moi, l'âme plus lasse,
Plus loin de l'amour.

Voici que s'exhale et monte, avec la flamme
Et l'essor des chants et l'haleine des lys,
L'intime sanglot de l'âme de mon âme :
Je t'aimais, Atthis.

Renée VIVIEN.
Évocations, 1903.


Photo : Wikimedia.
Fresque représentant Sappho.


RÉVÉLATION

Ta frêle silhouette apparaît près de moi,
Et ton regard lointain me projette hors du monde...
Je perds pieds, et je sombre, en moins d'une seconde,
En l'océan divin de l'Amour en émoi...

Des battements de coeur m'ont tirée de ce rêve.
Sur la Terre assombrie j'ai repris mon espoir,
J'ai crié vers le Ciel, j'ai pleuré dans le noir...
En ce grand jour de deuil, je veux t'aimer sans trêve !

Sous le rayonnement de tes propres vertus,
Il m'a semblé renaître - et j'en meurs de tendresse...
Je perçois à nouveau l'ineffable caresse,
La douce mélodie de tes chants impromptus...

© 1992, 2018, Dominique THUSSIER.
L'AGONIE D'UN DÉSIR, poèmes.


Photo : Wikimedia.
Alphonse Osbert, The Muse at sunrise.


mardi 4 février 2020

LA TOURMENTE

Mes mots s'en vont,
Me laissant seule
Avec mes pensées...
Et moi, qui aurais tant à dire !
Une tempête, en mon esprit
S'est déclarée de tous les vents -
Ainsi ma raison pleure...
Ô Sagesse salvatrice,
Pourquoi t'étais-tu absentée ?
Un instant est trop
Pour mon inepte inconsistance.
Aussi, j'ai vu le ciel
Arborer dans son désordre,
Le Blanc, le Noir,
Le Gris, le Bleu...
Quand il ne devrait exister
Qu'une couleur
Sereine.

SPONTANÉITÉS , paroles d'âme.
© 1992, 2019, Dominique THUSSIER.

Photo : D. Thussier.


lundi 3 février 2020

UN AIR DE CLAVECIN

Une dame clavecinant,
Le dos voûté, paupières closes,
Évoque de bien belles choses
À elle seule appartenant...

Ces accords pleins de joliesse
Pour un amant désemparé...
Un clair de lune exaspéré ,
Sur un fond de ciel en liesse...

Puis surgissant d'un corridor,
Des bruits de pas... La porte baille
En un long grincement canaille...
Il vient trop tard ! Sa belle dort...

© 1992, 2018, Dominique THUSSIER.
L'AGONIE D'UN DÉSIR, poèmes.


Photo : Wikimedia.
Johannes Vermeer, Le Concert.


DÉVOT DE TOI...

Ta chevelure,
Épandue sur mon épaule
Virile d'amoureuse fierté...
Ton souffle léger
Comme un zéphyr d'été effleurant
Les êtres et les choses,
Comme un silence
Que l'âme perçoit,
Accueille,
Embrasse avec onction...
Tu es ma bénédiction
Du soir, ma caresse
Avant la Nuit étoilée -
Parée pour toi...

© 1992, 2019, Dominique THUSSIER.
SPONTANÉITÉS, paroles d'âme.


Photo : Wikimedia.
Edward Burne-Jones, The Flower Book, Golden Greeting, 1905.





samedi 1 février 2020

VOUS AIMER...

Mes doigts tremblent parfois,
Lorsque l'envie de vous caresser
Me vient au coeur...
Lorsque les mots ne suffisent plus
À l'expression de mon amour...
Quand ma tendresse voudrait
Déferler sur ces pages,
Et mon souffle, vous avouer
Ce grand désir qui ne saurait s'éteindre !
Je laisserai courir ma plume encore,
Afin de rattraper ce temps
Perdu loin de Vous... Je poserai
Ma main sur mon coeur,
Et le caressant,
J'aiderai mes mots à s'épancher...
Je voudrais tant vous aimer !

SPONTANÉITÉS, paroles d'âme.
© 1992, 2019, Dominique THUSSIER.


Photo : Wikipedia.
Lawrence Alma-Tadema, Ask me no more, 1906.



TRAGIQUE AMOUR

Sur cette route sans feuilles
Mortes, vive est ma douleur,
Mon désir sans entrain... Cueilles-
Tu les éclairs de vil heur ?

Heure de détresse... Rire
Et pleurer de Mort, de nous ?
Toi seule oublies notre pire
Baiser sans Amour... Ah ! Fous

Rires de ferveur amère !
Sentiment flou, fier, tardif
Aussi pour moi... Éphémère
Ivresse... Sur mon esquif

Embarquons-nous ! Ma prière
Sera un chant d'âme, émoi
À éterniser, lumière...
Sinistrement toi et moi.

L'AGONIE D'UN DÉSIR, poèmes.
© 2018, Dominique THUSSIER.


Photo : Wikimedia.
Auguste Renoir, La Yole, 1875.



Ô DIVA DE MON RÊVE ! (Extrait)

... Dès notre entrée, les deux invités chers à ma Dame s'étaient levés d'un même bond, puis tournés, le visage illuminé d...